Tribune. Face aux ambitions de la Chine, l’importance d’un « véritable partenariat Afrique-Europe »

Pascal Lorot, Président de l’Institut Choiseul plaide pour un véritable partenariat Afrique-Europe pour contrer les ambitions chinoises. Voici sa tribune dans le Journal du Dimanche.

À ce jour, le continent africain a évité la crise sanitaire majeure que prédisaient l’ONU et l’OMS, bien que la courbe des contaminations soit toujours en hausse. Forts de leurs expériences en termes de gestion d’épidémies comme Ebola, les gouvernements africains n’ont pas sous-estimé le danger et ont su anticiper et réagir rapidement. Pour autant, le continent n’est pas tiré d’affaire avec plusieurs pays fortement touchés comme les géants nigérian et sud-africain.

En parallèle, la crise économique est bien là, imputable au ralentissement de l’économie mondiale. Il est évident que l’Afrique ne s’en sortira pas seule et qu’une crise mondiale appelle nécessairement une réponse globale. Que cela soit sur le volet sanitaire si la pandémie venait à se répandre massivement, ou sur le plan économique pour dégager des marges de manoeuvre budgétaires, les pays africains auront besoin de leurs partenaires, et en premier lieu de l’Europe. Nos deux continents, de par leur proximité géographique et leur lien historique, sont voués à trouver ensemble une réponse à cette crise. C’est dans ces périodes exceptionnelles que l’on peut véritablement juger de la nature et de la crédibilité d’un partenariat, et les pays africains sauront se rappeler qui était présent le moment venu.

Cette crise aura au moins un mérite : elle aura révélé les limites du partenariat chinois en Afrique

Cette question se pose d’autant plus que le monde regarde avec de plus en plus de suspicion la Chine, dont l’attitude durant cette crise laisse perplexe. Nous ne saurons probablement jamais exactement comment cette pandémie s’est déclenchée dans la région de Wuhan, mais l’attitude agressive de Pékin durant la crise sanitaire aura marqué les esprits. La ‘diplomatie du masque’ de la Chine s’est traduite par des mises en scène de donations de matériels, parfois défectueux, accompagnées de déclarations méprisantes de certains ambassadeurs chinois sur la gestion de la pandémie dans certains pays.

Pour l’Europe, cette crise est l’occasion de prouver son ambition pour un véritable partenariat euro-africain. En faisant le choix de l’Éthiopie, pays hôte du siège de l’Union africaine, tout début décembre 2019, comme destination de son premier déplacement hors de l’Union européenne, la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, envoyait un message fort à ses interlocuteurs africains. Tout l’enjeu maintenant est de dépasser les éternelles litanies teintées de paternalisme autour d’un ‘partenariat gagnant-gagnant’ et un focus abusif sur les mouvements migratoires qui ne font qu’irriter nos partenaires.

Aujourd’hui, l’Europe doit donner la priorité à l’émergence et au renforcement du secteur privé africain. L’écosystème africain est composé très majoritairement de PME et TPE, qui représentent près de 90% des entreprises formelles et 60% des emplois du continent. Mais à l’heure actuelle, trop peu de financements de l’UE sont dédiés au secteur privé sans compter que l’obtention de ces financements est lente et complexe. Enfin, avec près de 60% de sa population ayant moins de 25 ans, c’est déjà en partie la jeunesse qui conduit la marche du continent africain.

En effet, si l’Afrique est riche en ressources naturelles, elle ne l’est pas moins également en ressources humaines. Il s’agit maintenant de créer et de valoriser les lieux de rencontres et d’échanges permettant à l’Afrique de mettre en place cette volonté de transformation pour renforcer son efficacité. De nombreuses entreprises, associations ou institutions participent à cet effort collectif pour tourner une nouvelle page de l’histoire du continent … qui ne doit pas s’écrire en mandarin.